100 ans de divertissement au parc Jarry

Situé à Montréal entre les quartiers Villeray et Parc-Extension, le parc Jarry a été l’hôte de toutes sortes d’événements – culturels, sportifs, voire religieux – depuis son inauguration en 1925, tout particulièrement dans la deuxième moitié du xxe siècle. Visite historique des lieux à l’aide de journaux et de photos d’époque.

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Les origines : le nom Jarry fait jaser

À la une du Devoir du 12 juin 1925, on peut lire : « Le nouveau parc que la ville vient d’acquérir de la succession Stanley Bagg, au nord de la propriété de l’Institut des Sourds-Muets, portera le nom de Jarry, au lieu de Crémazie, comme la chose avait été entendue. Le parc Crémazie, situé au nord de la rue Laurier dans le quartier Saint-Denis, devient le parc Wilfrid-Laurier. »

Or, cette annonce ne fait pas l’unanimité. La Patrie, le 15 juin 1925 : « La disparition du nom parc Crémazie a donné lieu depuis à des commentaires dans le public; les critiques ont maintenant leurs échos à l'hôtel de ville et pourraient bien avoir leur répercussion au conseil. »

Une fois la poussière retombée, le parc vivra sous le nom de Jarry (d’après l’échevin Raoul Jarry)… jusqu’à ce qu’on le rebaptise en 1985! (Voir section « Sainte visite »).

Quelques images des premières années

Sur cette carte de Montréal de 1930, on peut apercevoir le parc au centre (un rectangle blanc), encastré entre la voie ferrée du chemin de fer Canadien Pacifique (à l’ouest), les rues Crémazie (au nord) et Faillon (au sud), et le boulevard Saint-Laurent (à l’est).

Croqués par le photographe Conrad Poirier, deux promeneurs profitent du couvert boisé par une journée ensoleillée de juin 1939.

Une vue aérienne du parc Jarry (en haut à gauche) signée Armour Landry. À cette époque, l’occupation de l’espace demeure limitée.

Quelques concerts et spectacles


Pauline Julien à la Nuit des étoiles, parc Jarry, juin 1966

Le 25 juin 1966, Pauline Julien offre un tour de chant à la Nuit des étoiles. Plusieurs autres célébrités, dont Raymond Lévesque et Clémence DesRochers, ont aussi participé à l’événement tenu dans le cadre des fêtes du Canada français. Compte rendu de la soirée dans le Dimanche-Matin.


La Roulotte au parc Jarry, 22 juillet 1969

Le 22 juillet 1969, La Roulotte présente la pantomime musicale Il faut sauver la Lune. La populaire troupe de théâtre ambulante suit les traces de Neil Armstrong qui, la veille, a été le premier homme à fouler le satellite de la Terre. Détails sur le spectacle dans l’hebdomadaire La Patrie.


Supertramp, 24 juillet 1979

Les 24 et 25 juillet 1979, le populaire groupe anglais Supertramp – chéri du Québec, comme ses compatriotes Genesis et Gentle Giant – se produit devant 35 000 personnes. Malgré des problèmes de sonorisation, le premier spectacle est « bien orchestré, en lumière comme en interprétation ». Critique dans La Presse du 25 juillet (p. 3).

Quelques événements sportifs


Match d’ouverture des Expos de Montréal, 8 avril 1970

« Nos Amours » entreprennent leur deuxième saison de baseball à domicile contre les Cardinals de Saint-Louis par une journée de printemps qui avait commencé sous un petit tapis blanc (une semaine après qu’une autre bordée eut laissé « six pouces » de neige au sol!). Ils s’inclinent 7-2. Tous les détails dans Le Soleil du 9 avril 1970.

Pour la petite histoire, les Expos, la première franchise des ligues majeures de baseball hors des États-Unis, ont joué au parc Jarry de leurs tout débuts, en 1969, jusqu’en 1976. L’année suivante, ils déménagent dans un Stade olympique presque neuf.


Gala de lutte juillet 1972, 28 août 1972

De la lutte au parc Jarry? Oh que oui! Pendant les années 1970, ce divertissement populaire attire jusqu’à 20 000 personnes – quelques milliers de plus que les matchs de baseball des Expos certains soirs… Les galas hauts en couleur mettent en vedette les Jacques Rougeau, Maurice Mad Dog Vachon et Michel Justice Dubois – sans oublier les jumeaux McGuire (ci-dessus)

Les galas sont parfois marqués par certains débordements : déversements d’hémoglobine, accusations de matchs truqués, réactions outrées de la foule... voilà qui résume bien la « mémorable » soirée du 13 août 1974.


Rodéoshow Molson, août 1978

Du 11 au 20 août 1978, le parc Jarry est l’hôte des Championnats de rodéo de l’est du Canada. En plus des concours mettant de l’avant les acrobaties de courageux cowboys et cowgirls, les visiteurs profitent d’une foule d’activités ludiques : concerts (Johnny Farago et René Simard), marché aux puces, tours de poney et autres balades en diligence.

Plus de 50 000 personnes déambulent dans le « grand village western » aménagé pour l’occasion. Le « Rodéoshow Molson : un succès bœuf », rapporte le Montréal-Matin du 21 août 1978 (p. 15).


Internationaux de tennis du Canada, août 1982

Depuis 1980, le parc Jarry accueille chaque été les plus grandes raquettes de la planète Tennis – les hommes une année, les femmes la suivante, en alternance avec Toronto. Au fil du temps, les Internationaux du Canada à Montréal sont le théâtre de rencontres épiques mettant aux prises des légendes telles John McEnroe, Ivan Lendl, Roger Federer, Steffi Graf, Monica Seles et Serena Williams.

Sur la photo ci-dessus, on aperçoit la grande Martina Navratilova en plein service lors de la troisième édition, en 1982. Sacrée championne cette année-là, elle remportera aussi les honneurs en 1983.

Sainte visite

Alors, la plus grande vedette à fouler la pelouse du parc Jarry? Il s’agit très certainement du pape Jean-Paul II, dont le nombre d’admirateurs n’avait guère d’égal ici-bas. Ci-dessus, le souverain pontife s’adresse à la foule estimée à quelque 300 000 personnes le 11 septembre 1984. 

Dans Le Devoir du 12 septembre (p. 2), on peut lire : « Le Saint-Père a fait vibrer bien des gens par le ton impératif de son discours. À maintes reprises, en parlant du péché et de la facilité, il a brandi le doigt ou la main, haussant fortement le ton en signe d’avertissement. Il régnait alors dans la foule et même dans la salle des journalistes un silence complet, fort révélateur du charisme du pape Jean-Paul II. »

Le chef de l’Église catholique passera trois jours à Montréal, deux à Québec et un à Trois-Rivières lors de sa première tournée canadienne.

Parc Jean-Paul II… euh, Jarry

Quelques mois plus tard, le parc est rebaptisé Jean-Paul II bien qu’à l’usage, les gens continueront de le désigner comme avant… et il retrouvera son nom d’origine en 1987. Pierre Foglia s’en amusait dans La Presse le 8 août 1985 (p. 5) : « Quand, après la visite du pape, on a rebaptisé le parc Jarry pour lui donner le nom de Jean-Paul II, j’ai trouvé que c’était plate pour le parc. J’ai changé d’idée. Je viens d’en faire le tour de ce parc, et maintenant, je trouve ça plate pour le pape! C’est que même si je ne déborde pas d’admiration pour le saint homme, il m’apparaît comme inutilement irrespectueux de donner un nom de pape a un champ de patates. » 

Et le scribe de conclure : « Me semble pourtant que pour donner une âme à ce parc-là, il ne suffira pas d’y bâtir une cathédrale. On y parviendrait plus sûrement en y plantant quelques arbres. »

L’appel du chroniqueur sera finalement entendu. Après les diverses améliorations apportées au fil des ans, en 2025, le parc est l’objet d’une grande cure de jouvence (et de verdissement) à l’occasion de son 100e anniversaire. De quoi lui donner de l’air pour les 100 prochaines années.